mercredi 20 août 2008

À Sainte Marie

Le Rozina part vers Sainte Marie à 6 h : le soleil se lève sur l'Océan Indien. Même calme, la mer est suffisamment forte pour que les vagues se creusent plus que la hauteur du bateau. Nous sommes fameusement secoués, le tangage nous envoie régulièrement des paquets d'eau à la figure. La plupart des autres passagers, habitués, dorment sur leur banquette sans se laisser perturber.

Sainte Marie est une île alongée du nord au sud, d'environ 60 km dans sa plus grande longueur. La capitale Ambodifotatra (dite « la ville ») est sur la côte Ouest, c'est là que débarquent les bateaux en provenance de Soanierana Ivongo. L'axe principal est une route partiellement goudronnée qui suit la côte. Il est bordé de villages et d'hôtels plus ou moins luxueux. À l'extrémité Sud, il y a l'aéroport international et un îlot séparé par un bras de mer : l'île aux Nattes.

À la descente du bateau, nous enfourchons les vélos en direction du Sud. Notre contact, Dorothée, est responsable d'une ONG avec qui travaille Célia. Les villages que nous croisons me paraissent moins délabrés et plus riches que ce que nous avons vu jusqu'à présent. Les prix sur le marché de « la ville » sont d'ailleurs plus élevés et le gens s'expriment volontiers en français. On sent l'influence de la manne touristique.

Dorothée et son compagnon, architecte, nous reçoivent royalement dans leur superbe maison avec vue sur la mer et les cocotiers (et douche chaude !). Nous convenons de passer quelques jours chez eux, car Célia peut travailler sur mon ordinateur portable.

Émilie, leur aide ménagère, nous préparera des petits plats pour le repas de midi. Moi, je fais de longues siestes dans le confortable lit à baldaquin habillé de lourds draps tissés dans une fibre typique de l'île.

Une après-midi, nous partons en hors-bord avec un guide pour voir des baleines à bosse. En cette saison, elles font étape aux alentours de l'île pour se reproduire. On les repère facilement de la surface par la fontaine en plumeau qu'elles suscitent en expirant. Les mères accompagnent leur baleineau. Les mâles se roulent dans l'eau en frappant la surface de leurs nageoires caudales. Elles sautent quelquefois hors de l'eau en faisant des mouvements acrobatiques.




Le spectacle de cette masse de plusieurs dizaines de tonnes s'extrayant de l'onde pour se retourner en l'air est extraordinaire. Il attire des nuées de touristes à cette saison et sert de thème aux statuettes, coussins et dessins artisanaux vendus sur toute l'île.

Un matin, nous prenons les vélos pour explorer le Nord de l'île, où sont cultivés des potagers que doit visiter Célia. Après une dizaine de kilomètres de bitume irréprochable, la route se mue en piste. Nous laissons les vélos dans un hôtel et nous partons vers la côte Est de l'île, plus sauvage. Nous traversons en pirogue un bras de mer peu profond, bordé de mangroves. Un petit chemin boueux nous mène à une immense plage de sable fin, complètement déserte. Nous nous baignons dans l'eau turquoise.



Nous reprenons les vélos pour compléter notre périple septentrionnal sur la piste défoncée. L'environnement devient peu à peu plus sauvage. Les difficultés d'accès découragent sans doute les touristes ou les hôteliers. Pourtant, quand la potence du guidon Célia se fissure sous ses efforts pour franchir les côtes, nous trouvons sans grande peine la pièce de remplacement, ainsi que les compétences nécessaires pour l'installer !



Nous parvenons à la pointe nord de l'île, marquée par un phare rouillé qui semble hors service. Célia retrouve Dorothée et un invité de marque : M. Sylla, le président de l'Assemblée Nationale malgache. L'homme nous gratifie de quelques remarques en français académique sur la nécessité des cabards (interminables discours tenus par les notables aux occasions importantes) dans l'action politique malgache. La suite en est l'illustration parfaite. L'ONG de Dorothée distribue trois sacs de matériel de pèche aux villageois pour compenser les pertes dues au cyclone Ivan. Les bénéficiaires sont rassemblés autour d'un gros arbre au milieu du hammeau. Les intervenants, M. Sylla, la présidente de l'ONG et des élus locaux prennent tour à tour la parole pour expliquer le sens de l'intervention et divers points de la réglementation sur la pèche. Les anciens du village répondent expansivement. Nous, les vazahas, assistons respectueux au rituel, en tâchant de discerner dans les discours les passages compréhensibles en français.



Dans l'après-midi, après un repas copieux à base de langoustes, nous reprenons la piste pour retourner d'une traite vers le Sud. Nous y arrivons éreintés, bien après la tombée de la nuit. Le lendemain, une petite excursions à l'île aux Nattes pour boucler les passages obligés du touriste visitant Sainte Marie.



Le retour à Toamasina est beaucoup plus rapide que l'aller : nous embarquons sur un bateau rapide, puis un taxi-brousse et arrivons à destination en fin de matinée.

lundi 18 août 2008

À bicyclette vers le Nord

Après avoir rassemblé deux vélos qui tiendront la route, nous voici prêts pour une expédition : nous allons suivre la côte sur 200 km vers le nord, jusqu'au port de Soanierana Ivongo où nous prendrons le bateau pour l'Île Sainte Marie, haut lieu touristique national. La route est plate et bien goudronnée (c'est la nationale 5). Au cours du voyage, Célia rendra visite à des projets en relation avec son travail.

Notre première étape, jusqu'à la cité balnéaire de Foulpointe, fait 60 km. En comptant 20 km/h, un départ à 14 h devrait nous assurer d'arriver avant la nuit. Nous décollons donc à 15 h (incapables de tenir un horaire). La route croise de nombreux cours d'eau qui se jettent dans la mer, dont un que nous franchissons sur un pont flottant.



Bien sûr nous n'atteignons pas la vitesse moyenne prévue : la nuit tombe. Nous ne voyons plus les nids de poule ni les bancs de sable sur la route. Les voitures et camions roulent prudemment et utilisent leurs phares. On ne peut pas en dire autant des cyclistes et piétons... Je crève un pneu en franchissant un nid de poule, mais heureusement nous avons prévu des chambres à air de rechange.

Les hôtels de Foulpointe semblent complets. C'est exceptionnel, la plupart du temps les capacités d'hébergement de Madagascar me semblent largement suffisantes pour le nombre de touristes, assez modeste. Nous trouvons une chambre dans un hôtel luxueux avec douche à l'eau chaude (une première depuis que je suis dans le pays !) Repas réellement gastronomique dans un restaurant fréquenté par des vacanciers tanariviens.

Le lendemain, nous quittons la route principale vers l'Ouest et l'intérieur des terres. L'étape, à travers collines et vallons cultivés (essentiellement des rizières), est éprouvante, surtout pour Célia qui chevauche un vélo renâclant.



Nous arrivons à la tombée du jour. Vavatenina n'est pas du tout touristique, nous logeons dans un bungalow tout simple. La rue principale est bordée de stands où on vend de tout : pour le petit déjeuner ou le dîner, il suffit de butiner de stand en stand et de grignotter spaghetti, flans de pommes de terre, beignets de toutes formes et compositions, gâteaux de polenta, etc.



Nous faisons une visite matinale aux élites locales. Leur problème principal est l'approvisionnement en eau. Et en effet, l'eau de Vavatenina, qu'on nous avait présentée comme potable, m'a valu de tenaces problèmes digestifs... Dans l'après-midi nous redescendons vers la nationale 5 en direction de Fénérive, autre chef-lieu où Célia a affaire.

Fénérive est la plaque tournante de l'aide humanitaire et au développement de la région. Les constructions en dur se partagent entre quelques bâtiments officiels et une multitude d'ONG plus ou moins connues : UNICEF, Saint Gabriel, Water aid, etc. Nous dînons chez un représentant de la région Nord-Pas-de-Calais en compagnie d'une série de travailleurs en aide au développement.

La conversation porte sur le dernier ouragan, Ivan, qui retarde tout le travail humanitaire depuis six mois, puis sur la nouvelle doctrine d'aide au développement : les ONG ne doivent pas venir avec des solutions ou des infrastructures toutes prêtes, mais les bénéficiaires doivent exprimer clairement leurs demandes et besoins. Seule cette implication des bénéficiaires assure la pérennité de l'intervention.

Le lendemain, nous faisons la tournée d'une série d'exploitations de litchis, de clous de girofle et de vanille. Une ONG forme les agriculteurs pour mieux exploiter et vendre ces produits d'exportation. Les employés nous prennent à l'arrière de leurs motos. C'est un excellent moyen de parcourir les pistes défoncées et vallonnées qui mènent aux endroits reculés. Les endroits que nous visitons ne sont des jardins de quelques dizaines de mètres carrés : certains projets sont d'échelle minuscule.

La dernière étape en vélo nous mène sans histoire à Soanierana Ivongo. Plusieurs bateaux parcourent quotidiennement les 8 km de traversée. Trois sont des vedettes rapides, utilisées par les touristes. Le quatrième, le « Rozina », est plus lent et moins cher. Il transporte à chaque voyage quantités de marchandises pour approvisionner l'île. Nous prenons des billets, en nous assurant que les vélos sont acceptés. Le bateau part à 10 h.

Nous arrivons donc à 10 h avec nos bagages. Le bateau n'est pas là : en réparation. Pour tuer le temps, nous flânons aux alentours. Nous montons sur une colline voisine, bientôt suivis d'une meute d'enfants piaillant vivement devant ces Vazahas qui quittent l'embarcadère des vedettes rapides.



Vers 14 h, le bateau arrive et embarque les marchandises, dont nos vélos. À 16 h, soulagés, nous nous mettons en file dans la cohue habituelle, les matelots déballent les gilets de sauvetage. Puis soudain les passagers semblent se démobiliser, la tension retombe. Après quelques minutes de flou, un matelot francophone nous explique que la gendarmerie interdit le départ du bateau : il est trop tard, et un navire militaire patrouille. Départ le lendemain à 5 h, sans faute.

Avec fatalisme, nous retournons à notre hôtel...

dimanche 17 août 2008

Les vélos

Toamasina est une ville à vélos car elle est sans relief et c'est un moyen de transport économique.

Célia a donc acheté un vélo en arrivant. C'est le modèle dit « chinois », qu'on trouve dans toutes les boutiques de la ville : un VTT de bonne mine, pas cher (40 euros), avec sonnette, porte-bagages, béquille et bidon d'eau.

Malheureusement, la qualité des pièces est inégale : certaines se sont cassées après un jour, comme la sonnette et le porte-bidon ; d'autres dans la semaine, comme la béquille ; la bague d'une poignée de frein s'est fendue peu après. Quand je suis arrivé, j'ai compris qu'il ne fallait pas changer de vitesse, et mes vigoureux efforts pour rouler à travers le sable meuble ont eu raison d'une pédale, qui est tombée comme une feuille morte.

Il est vrai que les conditions locales, le climat humide, l'air marin, le sable perfide, ne sont pas tendres pour les machines quelles qu'elles soient. Il n'en demeure pas moins que ces vélos « chinois » sont de la pire qualité que j'aie jamais vu. Le qualificatif « chinois » est un peu abusif parce que beaucoup de vélos sont fabriqués en Chine, parmi lesquels certains sont d'excellente qualité, ne serait-ce que parce que les Chinois eux-même en font un usage intensif.

Presque tout le monde roule donc sur un vélo de qualité médiocre, qui menace de tomber en morceaux à chaque instant. Ceci est possible pour deux raisons. La première est que les Malgaches sont patients et soigneux. Ils ménagent leur monture, ne poussent pas trop sur les pédales, mettent pied à terre devant les bancs de sable et ne tentent jamais une danseuse. La seconde est que Toamasina est remplie de stands de réparation de vélos. Un gars avec une caisse à outils y graisse une chaîne, colle une rustine ou resserre un boulon pour 100 à 500 Ar (< 0.2 euro).

Cependant, nous envisageons de faire quelques centaines de kilomètres vers le nord en bicyclette, donc il n'est pas question de s'arrêter trois fois par jour pour de menues réparations : il faut de vrais vélos ! Nous convenons d'en louer un pour moi et d'en acheter un meilleur pour Célia.

Un rapide tour du marché permet de constater qu'outre les vélos « chinois » il n'y a que des vélos très haut de gamme européens : des VTT avec triple suspension et frein à disque. La briéveté de notre séjour ne justifie pas leur prix.

Une autre piste est de combiner des pièces détachées soigneusement choisies pour créer un vélo.

À ce stade de la réflexion apparut l'Homme Providentiel. Nous mangions à la table du jardin, devisant de nos plans de voyage. Arrive un jeune homme à lunettes de soleil, sur un vélo de fière allure. Il s'appellait David, étudiant en Master 2 et assistant de Michelle.

Nous le complimentons pour son destrier et l'interrogeons sur sa robustesse, sa disponibilité, son prix. Il nous garantit qu'il est possible d'en monter un semblable pour pas trop cher. Je l'accompagne pour un tour de reconnaissance des boutiques de pièces détachées, en quête d'un cadre approprié.

Il accepte de rassembler les pièces dont nous dressons la liste et de faire monter le vélo. Quelques jours plus tard, il arrive avec un vélo ultra-léger, mais bien solide. Nous sommes tirés d'affaire.



À l'usage, le Frankenstein du vélo souffre de quelques insuffisances : toutes les vitesses ne sont pas accessibles et la chaîne saute quelquefois lorsqu'on force sur les pédales. Lors de notre périple, nous eûmes recours à des réparateurs pour l'entretenir. La potence du guidon s'est fissurée tant Célia insistait pour monter les côtes en danseuses. Mais dans l'ensemble le résultat est satisfaisant.

vendredi 15 août 2008

Départ Pangalanes

Célia doit de temps en temps se déplacer pour « inspecter » des projets de développement. Nous sommes ainsi partis une semaine sur le canal des Pangalanes, cours d'eau mi-naturel mi-artificiel qui suit de côte sur 600 km au Sud de Toamasina. Les villages à visiter ne sont accessibles qu'en train (sur la bande de sable entre le canal et la côte) ou bateau (sur le canal lui-même).

Je vais donc à la gare pour acheter des billets. Le tarif est 5 fois plus cher pour les touristes : Madarail s'y entend à exploiter l'aura exotique du rail africain. Un tableau annonce le départ à 18 h -- dommage, le train roule de nuit. La guichetière me conseille pourtant d'arriver vers 22 h. Bizarre, mais difficile d'en tirer plus d'informations.

Je passe à l'office de tourisme pour tirer l'affaire au clair. Une affable employée sort une brochure qui prévoit effectivement le train à 18 h. J'insiste. Décidément très serviable, elle téléphone aux services régionaux de Madarail. Après 2-3 numéros infructueux, un employé à Tana explique que le train est en retard et qu'il faut arriver à 21 h. Bon.

À 21 h nous arrivons dans le vaste hall de la gare de Toamasina. Une centaine de passagers attendent, sous la lumière blafarde de quelques tubes au néon. Nous nous informons auprès d'un groupe de de touristes arrivés à l'heure officielle : le train (une motrice diesel et trois wagons) est déjà là, mais débarque des marchandises.




Les enfants courent partout et jouent aux billes dans le hall. Les dames papottent ou restent assises avec le stoïcisme caractéristique des africains qui patientent. Quand la motrice déplace un wagon, l'intérêt de l'assistance s'éveille un instant : l'embarquement commence-t-il ? Non.

Nous décidons d'aller manger dans un restau en ville. Nous demandons aux touristes, trois éducatrices poitevines, de nous faire un bip avec leur téléphone portable si le train faisait mine d'embarquer des passagers.

Une heure plus tard, nous revenons à la gare, quelques bols de soupe chinoise dans le ventre. Calme plat. Il y a plus de monde assis, certains ont déroulé des paillasses et un drap pour dormir sur le carelage. De temps en temps, des employés du service de sécurité, en uniformes noir et jaune, traversent le hall d'un air affairé. Ceux de Madarail sont moins repérables car il vont en civil.

À minuit, nous dodelinons, avachis entre les bagages et paniers de souvenirs de nos camarades touristes. Les enfants courent toujours avec une énergie inépuisable. Un vent frisquet caresse les parcelles de peau exposée.

À deux heures, ça a l'air sérieux. Un employé s'installe au portique pour filtrer l'accès au train. La queue se forme : tout le monde s'approche le plus possible, avec une pression croissante à proximité du portique. Nous ne sommes pas en reste et avec une solidarité bien africaine, nous nous chargeons d'une partie des encombrants bagages de nos collègues touristes. Après un quart d'heure d'inconfortable pression en attendant que l'employé ait affûté son crayon, nous montons sur le quai et dans le train !

Le wagon est vieux mais les sièges en cuir sont confortables et nous avons pris nos précautions pour ne pas dépendre des toilettes innommables.

Le train s'ébroue avec le traditionnel bruit en « tum-dum tum-dum » des roues passant sur les jointures à l'ancienne des rails. Le wagon roule toutes portes et fenêtres ouvertes, éclairé à pleine puissance. Nous dormons un peu. Je réalise avec dépit que nous n'avons pas d'appareil photo en état de marche...

Nous avançons à un rythme paisible. Tous les 4 ou 5 km le train s'arrête devant un quai plongé dans l'obscurité complète, quelques personnes montent ou descendent. Il s'agit de ne pas se tromper de gare... Le controlleur promet de m'avertir.

Après deux heures de trajet (pour 40 km) nous descendons dans le noir, et le puits de lumière du train s'éloigne. Heureusement, le responsable du projet de développement nous attendait sur le quai.

Toamasina (Tamatave en Francais)

Les rues creuses, tapissées de sable, sont remplies d'enfants : ce sont les vacances scolaires. Souvent, surtout si on les regarde, ils s'écrient « Salut Vahaza ! » avec un sourire mi-fasciné mi-effrayé. Toute réponse les fait rire aux éclats. Vahaza veut dire étranger blanc, quoique beaucoup de Malgaches ne semblent pas distinguer les Asiatiques des Européens.

Toamasina est une ville portuaire, la seconde plus grande du pays après la capitale Antananarivo. Mis à part quelques axes goudronnés, les rues sont simplement en sable tassé, dont les ornières se transforment volontiers en flaques d'eau. S'y déplacent des taxis, des 4L et des R5 pour la plupart, des taxi-brousses, et d'innombrables pousse-pousses et cyclo-pousses ! Ça donne à la ville une teinte asiatique incongrue. Il y a peu de voitures personnelles « normales », car il n'y a pas vraiment de classe moyenne entre les usagers de transports en commun et les riches qui se déplacent en 4x4. Sur la route qui mène du port à la capitale circulent des camions porte-containers, avec la lenteur et les grognements requis par leur dignité de mastodontes.



Le centre de la ville est une composition de vieux bâtiments coloniaux souvent décrépits et de façades neuves au charme de hangards de supermarché. Il y a d'ailleurs deux supermarchés : l'inévitable Shoprite et Score, une filière du groupe Casino.

On y trouve, côté clients, beaucoup de Vahaza. Côté produits, c'est un mélange de marques locales pour les produits de base, de produits bon marché français ou sud-africains (selon la provenance du magasin), et de marques internationales sous forme générique : par exemple, l'emballage du dentifrice Colgate est rédigé en anglais, français et arabe et mentionne un service de consommateurs aux Émirats Arabes Unis. Les publicités et les annonces diffusée sont en français, ainsi que la musique (moment d'émotion quand j'entendis « mauvaise foi nocturne » de Fatal Bazooka), mais les employés parlent malgache entre eux.

Pour le touriste, les supermarchés sont un endroit rassurant parce qu'il y retrouve les références familières, en se servant soi-même et sans discuter les prix. Bien entendu, ce n'est pas ainsi qu'on s'intègre au pays, qu'on se mèle à la population locale.

Pour cela, il faut aller au marché. Il y en a deux grands dans la ville. On y vend de tout, des légumes aux vêtements, en passant par la quinquaillerie, les pièces de vélo, les chargeurs de téléphones portables, etc. Les prix ne sont bien sûr pas affichés, mais j'ai l'impression que par rapport à d'autres pays, les Vahaza sont moins considérés comme infiniment solvables.

mardi 12 août 2008

Chez nous

Le quartier où nous habitons combine des cases en bois et quelques maisons en dur, dont certaines luxueuses. La maisonnette, meublée, est un mélange des deux, avec quelques murs en briques et le reste en planches. Elle est dans un petit enclos en compagnie d'une bâtisse similaire et de la case du gardien.

Il y a l'eau courante et l'électricité le plus souvent, avec des fluctuations de puissance pour l'un, de débit pour l'autre. La peinture à l'intérieur est écaillée, avec des trous poussiéreux dans les murs. Les vieux sanitaires sont en plastique jauni, les robinets fuient, les portes jointent mal, les ustensiles de cuisine sont abîmés, les ampoules faiblardes, etc. Mais la maisonnette est fonctionnelle et confortable.

Un soir, nous entendîmes des bruits forts de papier ou de sac plastique froissé. Nous nous demandâmes ce que c'était, craignant malgré les barres aux portes et les ferrures aux fenêtres l'effraction d'un cambrioleur. Je vais dans la cuisine. Hormis l'habituel cafard courant sur l'évier, rien. Le bruit avait cessé. Je retourne dans la chambre. Après quelques minutes, le bruit reprend de plus belle... Le lendemain, rien n'avait été grignotté dans nos provisions. Après discussion avec la voisine, nous établîmes que des termites rongent les poutres de la charpente en produisant ce bruit.



La voisine, Michelle, est une Américaine étudiante en antropologie. Elle parle bien malgache et s'intègre efficacement dans le quartier en buvant son café le matin dans les minuscules gargottes. Il y a ensuite le gardien et sa famille. Ils habitent à six dans une case en bois, et écoutent la radio toute la journée. Ils sont sensés faire la lessive des locataires, mais il semble que ce soit impossible sans leur laisser un pourboire. Ils acceptent les restes de nourriture qu'on leur donne avec un enthousiasme gênant.

Nous partageons avec Michelle un coin de jardin et une petite véranda avec un table. Nous jetons sans grand scrupule les déchets organiques dans le jardin, sachant que les poules du gardien les valoriseront.

À midi, nous mangeons des salades de concombres et de tomates. On trouve ces ingrédients dans les boutiques du voisinage. Une boutique, dans sa plus simple expression, est un comptoir en bois sur la façade côté rue d'une case. Une fille ou une dame derrière le comptoir vend six tas de quatre tomates et autant d'oignons, ou des poissons frits, des plats de spaghetti, des cartes recharge pour mobiles Orange, ou des baguettes de pain légères comme des plumes, dont le prix est fixé par le gouvernement à 300 aryari (0.12 euro). Les achats sont emportés dans des sacs rayés bleus ou rouges, en plastique extrèmement fin. On les retrouve émiettés dans les tas d'ordures dévalant vers les canaux aux eaux noires.

dimanche 10 août 2008

Arrivée

Je suis arrivé à Toamasina après une journée d'avion et une dans un taxi-brousse.

Le taxi-brousse était un mini-bus Mazda relativement neuf. J'étais assis devant, en compagnie du chauffeur DJ qui conduisait avec une prudence de bon augure et Ibrahim, un étudiant en marketing qui portait en bandouillère son téléphone portable et son lecteur MP3. Derrière, les rangées de banquettes étaient bien remplies, de femmes pour la plupart.

Ibrahim parlait parfaitement le français, et discuter avec lui était une bonne introduction à la situation actuelle de Madagascar, vue par un jeune de la classe bourgeoise malgache. Ses opinions étaient hétéroclites : il admirait le dynamique président libéral Ravalomanane qui domine toute la vie politique ici, tout en reprochant aux politiciens de s'octroyer de rutilants 4x4 « qu'il faudrait donner aux paysans ». Il approuvait les signes d'indépendance par rapport à la France, comme le non-accréditement son son ambassadeur et le rapprochement de Madagascar avec les États-Unis, mais connaissait les moindres détails de la politique intérieure française. Il approuvait la ligne dure et autonomiste de Khadafi dans l'Organisation de l'Unité Africaine, tout en rêvant de travailler dans le consortium minier canadien qui mène un énorme projet d'exploitation autour de Toamasina. Il ne se considérait pas comme Africain, ce qui semble faire consensus chez les Malgaches.

Outre les pauses-pipi, le taxi s'est arrêté pour devant une gargotte pour le déjeuner. Plat copieux de riz et de poisson de rivière, accompagné de ranapan (eau de cuisson du riz, qui a la saveur douteuse de celui-ci quand il a attaché et grillé dans la casserole).

Célia m'a accueilli à la sortie du mini-bus. Nous avons marché vers chez elle à la nuit tombante.