La première étape est de rejoindre Antananarivo (abrégé en "Tana"), car, comme chez l'ancien colonisateur, les routes convergent en étoile vers la capitale. Nous prenons donc le bus de nuit (dit "Boeing", sans doute en hommage à sa grande taille).
La nonchalance avec laquelle nous avons considéré l'horaire de départ nous contraint à prendre un taxi pour rattraper le bus à la sortie de Tamatave. Après une cinquantaine de kilomètres, une épaisse fumée surgissant du moteur affole Célia qui le voit déjà exploser, brûlant vifs les passagers. En fait, c'est une panne qui nécessite une heure de réparation, ce qui nous permet de dîner. Pour le reste, le voyage se déroule sans encombres. Nous arrivons à Tana au petit matin. Nous laissons les bagages chez une amie, Marise, et passons la journée à flâner dans la ville.
Tana est construite sur des collines. Les rues carrossables sinuent dans les vallons, coupent les reliefs dans des tunnels ou serpentent pour gravir les pentes (certains taxis renoncent d'ailleurs à monter ces côtes). D'innombrables escaliers affrontent les pentes de front. Le plan de la ville est donc très irrégulier, y déambuler est à la fois un casse-tête et une surprise à chaque coin de rue.
Le soir, nous reprenons un taxi-brousse qui fait le trajet vers Mahajanga, sur la côte Ouest, en une nuit. L'objectif est de faire le plus possible de route pendant la nuit pour ne pas gaspiller de précieuses heures de lumière. Nous descendons à 100 km avant la ville, pour visiter le parc d'Ankarafantsika. Il est 4 h du matin. Après avoir rassuré le gardien, nous terminons la nuit en dormant sur des bancs à l'entrée du parc.
Les visites dans les parcs sont toujours guidées. Notre guide d'aujourd'hui est un noble au nom interminable (même pour des standards malgaches). Il propose d'emblée de prendre l'appareil photo de Célia pour immortaliser des animaux. Il se révèle un honorable photographe, sachant admirablement combiner l'appareil avec ses jumelles pour simuler un téléobjectif. Il repère en particulier les oiseaux, qu'il a l'habitude de traquer pour les clients anglais, ornithologues passionnés.
En plus des presque classiques lémuriens et baobabs, nous passons dans un étrange cañon de pierre sableuse. Nous terminons la visite par un lac truffé de crocodiles, contre lesquels des paneaux avertissent les candidats baigneurs. Le guide se laisse aller à d'audacieuses affirmations : il en aurait vu un de 12 m ! et ils ne mangent que 10 kg de viande par an ! De loin, leurs yeux et leur truffe ressemblent à des morceaux de bois dérivant dans la vase...
En fin d'après-midi il est temps de reprendre la route vers Mahajanga. Craignant (inutilement) la rareté des taxi-brousse, nous nous résignons à faire du stop. Bientôt un énorme semi-remorque chargé de 32 tonnes de ciment nous embarque. Bien entendu, ce n'est pas très rapide, mais la vue depuis la cabine surélevée sur la steppe caressée par le soleil couchant est merveilleuse. Le conducteur et son mécanicien écoutent Francis Cabrel et s'arrêtent pour acheter des mangues. Ce sont des "mangues de Diego", rouge-orangés et plus petites que les mangues habituelles. On peut arracher leur peau avec les dents, quoique notre maladresse nous interdise de le faire proprement...
Le chauffeur du camion nous laisse à un petit hôtel à Mahajanga. C'est la troisième ville et le second port du pays. Les rues sont d'une largeur surprenante, et paraissent vides le plus clair de la journée, avec leur circulation de ville de province. Le soleil impitoyable chasse les habitants des rues en milieu de journée : nous nous approchons de l'équateur.
Nous nous informons sur les bateaux qui iraient à Nosy Be ou Diego que nous pourrions prendre. Malheureusement, le Jean-Pierre Caloch, navire pour touristes, ne fera le trajet qu'en fin de semaine. Nous nous résignons donc à repartir le soir en taxi-brousse. Nous déjeûnons dans un excellent restaurant tenu par un "vieux vazaha" réunionnais, "le Vahine".