dimanche 19 octobre 2008

Vers Diégo (suite et fin)

Notre 4x4 entre tard dans la nuit dans un camp à bungalows près du parc d'Ankàrana, notre étape suivante. Le chauffeur fait rugir le moteur et klaxonne pour attirer le gardien, sans autre effet que réveiller tous les touristes. Nous faisons le tour du terrain. Les phares surpuissants du véhicule éclairent les vitres de la réception-boutique, révèlent un lit avec une silhouette endormie. En frappant à la fenêtre avec suffisamment d'insistance, la silhouette s'éveille et vient nous ouvrir.

Le gardien, Goulam, est aussi le propriétaire du camping et guide du parc. Nous payons le 4x4, qui continue sa route vers Diégo. Goulam nous improvise un dîner à base de pain et de sardines en boîte. Il nous propose un parcours pour le lendemain, à effectuer en compagnie d'un touriste anglais. C'est une aubaine car le programme, assez sportif, inclut la plupart des attractions que le Routard recommande.

Au petit déjeuner, nous rencontrons notre compagnon de route, Thomas. Quoique Anglais, il vit en France et travaille dans les pays les plus divers : il conseille des prospecteurs de pétrole pour minimiser leur impact environnemental. Difficile, pour un écologiste manichéen, de déterminer s'il est du côté obscur. Il travaille pour des pétroliers, mais il cherche à minimiser leurs dommages écologiques... De toute façon, c'est un compagnon de route agréable, loquace et prodigue en anecdotes piquantes sur les territoires perdus, voire hostiles, où il a exercé ses compétences. Notre compagnie le rafraichit des mineurs quelque peu lourdauds qu'il a fréquenté les semaines précédentes.

Goulam nous emmène dans sa 4L vers l'entrée du parc. Au début nous suivons un chemin dans une forêt assez sèche, qui pousse sur une fertile coulée de lave issue du volcan de la montagne d'Ambre, à quelques dizaines de kilomètres de là. Goulam est dans son élément, il repère les minuscules lémuriens qui somnolent dans les fourches d'arbres et réussit à convaincre Célia de saisir un mille-pattes dans la main...



Nous arrivons à une dalle calcaire feuilletée et craquelée, où s'ouvre un énorme trou. Un réseau de grottes sillonne la partie calcaire du parc, et Goulam explique comment il a accompagné des spéléologues dans des kilomètres de galeries. On distingue des coquilles fossilisées dans la roche.



Un peu plus loin, sur une plateforme, nous découvrons l'attraction majeure du parc : les tsingy. Ce sont des formations calcaires érodées de ravines verticales, comparables aux lapiaz dans le Vercors. L'échelle des sculptures est cependant beaucoup plus grande, elles s'étendent sur plusieurs kilomètres carrés et se creusent d'au moins 5 mètres. Les arêtes sont effilées et tranchantes, il ne s'agit pas de tomber dans les fissures.



Des plantes étranges, nécessitant peu d'eau, poussent dans ce milieu a priori hostile. Certaines expédient leurs racines vers la terre ferme qu'on devine au fond des ravines. Certaines ont une boursoufflure rappelant un baobab à leur base, qui stocke l'humidité. D'autres sont des plantes grasses ressemblant à des cactus.



Un joli chemin touristique est tracé parmi les rochers, passant tantôt dans les gorges, tantôt par-dessus. Nous suivons Goulam qui nous gratifie d'anecdotes sur cet ornithologue inattentif blessé en tombant dans une fissure, et sur Nicolas Hulot, qu'il a guidé lors du tournage d'un documentaire dans la région. Thomas, qui a été instructeur d'escalade en Angleterre, et moi nous essayons a quelques pas de bloc prudents sur les roches acérées. Nous croisons un groupe de touristes italiens aux vêtements recherchés, qui babillent joyeusement, mais qui peinent à évoluer dans ce terrain accidenté.



Nous arrivons à une grande caverne encaissée, dans laquelle nous descendons. Les lampes frontales deviennent nécessaires. Elles éclairent mille taches orange luisant sur la paroi opposée. Une odeur de fiente pénétrante nous monte aux narines : une énorme colonie de chauve-souris est suspendue au plafond. Ce sont des roussettes, relativement grandes par rapport à leurs congénères européennes. Elles couinent comme des rats. De temps en temps, elles volent en agitant leurs ailes grêles avec une sûreté surprenante dans l'obscurité. Thomas est fasciné.



Goulam nous fait aussi visiter une partie plus profonde de la grotte, avec des concrétions calcaires.




Nous retournons au camp à temps pour faire une lessive. Au dîner Thomas nous raconte ses aventures au Gabon (où on mange des chimpanzées), au Yémen (où son nom a été inscrit sur une liste de cibles d'Al Qaeda), au Cambodge (où il a fait le flash-packer), au Népal (où sa femme recueillait des prostituées indiennes), à Dubaï (ville de mégalomanes), etc.

Le matin suivant, Goulam doit réceptionner un groupe de touristes à Diégo-Suarez, où il nous dépose, Célia et moi. Comme c'est la dernière étape du voyage, nous nous offrons un excellent hôtel avec vue sur la baie. Nous entreprenons de faire un tour dans la ville et le long de la côte. Au retour, nous tombons sur le fameux marché de la ville, plein d'activité en fin d'après-midi. Nous découvrons des tiges de riz salé mélangé à de la noix de coco râpée. Le soir nous mangeons dans un restaurant hors de prix.



Le lendemain, nous faisons un tour en vélo le long de la côte, en direction du village de Ramena. Le rythme est indolent. Nous admirons le Pain de Sucre, île que la superstition locale interdit de visiter. Dans le village, nous mangeons un crabe en observant les boutres qui passent avec nonchalance.



Retour à la tombée du jour.



Le matin suivant, nous prenons un avion qui nous ramène à Antananarivo. Nous logeons à nouveau chez Marise. Nous passons le samedi à des visites et divers arrangements pour le travail de Célia. Dimanche, nous visitons une ferme à crocodiles, où des centaines de ces reptiles s'entassent en attendant d'être transformés en sac à mains. Un carpaccio de leur viande est apprécié diversement : je le trouve insipide, Célia trop fort. Il y a aussi de sympathiques autruches qui s'évertuent à ouvrir leur enclot en en mordant le grillage. Des lémuriens apprivoisés font des pirouettes sur l'arche à l'entrée de la ferme.



Lundi, Célia et moi nous séparons. Elle part vers son travail. Je prends un taxi pour l'aéroport. La campagne autour d'Antananarivo est couverte de brume.

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